Namur

Complexe, avec des enjeux multiples tant économiques, que sociaux, environnementaux ou de mobilité, la problématique de la division de logement méritait d’être analysée. Le Pôle académique namurois et la Ville de Namur ont mené l’enquête et invitaient les namurois, riverains, étudiants et professionnels de secteur lors d’une conférence ce jeudi 22 septembre à 18h30 à l’UNamur.

Rappel de la démarche 

Suite à divers constats faits par les riverains, par les comités de quartiers et par l’administration, la problématique de la division de logement méritait d’être analysée. Comme déjà annoncé, la stratégie mise en place par les Services communaux du Logement et de l’Urbanisme comportait 4 volets  pour cette analyse:

  1. une concertation avec les citoyens via les comités de quartier et la prise en compte de leur ressenti;
  2. le test d’une ligne de conduite avec la publication d’un guide « Guide de bonnes pratiques d’urbanisme - Division d’immeubles existants en plusieurs logements » ;
  3. un relevé  de la situation de terrain à travers un échantillonnage de rues concernées par le phénomène  réalisé par l’administration communale;
  4. une analyse de l’offre et de la demande de logement étudiant à travers une enquête auprès du public cible : les étudiants des Hautes écoles et de l’Université namuroise.

En première analyse, l’offre de petits logements semble a priori suffisante : des kots restent sans preneurs à tout moment de l’année. La pression des petits logements, étudiants ou non se fait sentir dans certaines rues où les habitants se sont constitués en comités de riverains pour signifier leur mécontentement. Certaines rues comportent 50% et plus de maisons divisées en petits logements. Pourtant, tant le Pôle académique que les étudiants relatent les difficultés à trouver un bien locatif salubre et abordable. 

Après avoir travaillé sur le ressenti des riverains et sur des cas concrets, il était nécessaire d’obtenir des réponses chiffrées et complètes sur les habitudes des étudiants croisées avec les données officielles. L’objectif étant de mieux cerner l’ampleur et les caractéristiques du phénomène pour prendre des mesures adéquates. Un inventaire précis du logement étudiant est un préalable à une réflexion sur la politique à mener et à appliquer lors de la prochaine révision du Schéma de Structure Communal (SSC) de la Ville de Namur adopté en 2012. 

Le schéma de structure communal de la Ville de Namur examine la situation actuelle et les perspectives d’évolution de la commune et propose des pistes pour encadrer son avenir à l’horizon 2025. La situation du logement étudiant y est évoquée uniquement dans l’analyse de la situation existante (Partie I) lorsque la problématique du recensement de la population basée sur des données administratives est mentionnée. À ce propos, le document souligne que « l’évaluation quantitative des occupants d’un logement repose toujours sur des données administratives. Or, ces données ne correspondent pas toujours à la réalité si l’on considère l’exemple de l’étudiant qui vit en kot, mais qui est domicilié chez ses parents. D’un point de vue statistique, une famille avec un étudiant vivant en kot n’occupe qu’un seul logement alors qu’en réalité, elle en utilise deux. ». Vu que l’administration ne peut le référencer il devenait alors nécessaire de  déterminer les emplacements de ces étudiants sur le sol namurois via un plan B.

La voie la plus efficace pour localiser les logements étudiants était  un travail en collaboration avec le pôle académique de Namur. Non seulement le Pôle dispose de relais techniques qui sont le  moyen de contacter les étudiants et de leur demander s’ils sont en résidence sur le territoire de la Ville, mais il dispose des compétences nécessaires à la rigueur scientifique d’un tel travail.

« Sans ici déflorer tous les chiffres de l’étude, je peux vous dire que les résultats obtenus vont pouvoir renforcer  ma  politique urbanistique combinée à mes responsabilités en logement et cohésion sociale.  J’ai aujourd’hui un très bel aperçu du potentiel des quartiers concernés et la caractérisation de la demande ( quelles écoles, quels quartiers, quel profil étudiant..). Et le ressenti  des riverains est proche de la réalité à quelques exceptions. Pour les partenaires, les données pourront faire l’objet d’analyses ciblées sur des matières promues par le Pôle. » 

Stéphanie Scailquin
Échevine de la Cohésion sociale, du Logement, de l’Urbanisation et de l’Egalité des chances

 MÉTHODOLOGIE DE L’ETUDE

Le Pôle académique de Namur est l’occasion pour une grande ville de mettre en place des projets innovants et fédérateurs, non seulement entre établissements d’enseignement supérieur, mais aussi avec de multiples partenaires publics et privés. Ce travail est une opportunité  de développer un  projet de recherche avec une ou plusieurs facultés impliquées. L’intérêt de cette étude sous l’angle de l’aménagement du territoire et de la mobilité est également évident  (analyse des flux intra et extra urbains). 

Plus concrètement l’étude a consisté en un questionnaire adressé aux étudiants en début d’année académique 2015. Les questions portaient sur le choix de logement, le type de mobilité adopté, le confort souhaité etc… Les étudiants ont également fourni des données de localisation qui ont permis de repérer plus finement les noyaux d’habitat estudiantin.

La collaboration de toutes les Hautes Ecoles et Facultés a été nécessaire pour préparer et adresser le  questionnaire en ligne aux étudiants. Ce sont les départements de mathématiques et de géographie des facultés qui ont récolté et exploité les données récoltées sous l’angle urbanistique, géographique, économique et sociologique.

Ce travail d’exploitation, effectué par une cellule pluridisciplinaire d’experts, issus du pôle académique a été réalisé en collaboration avec la Ville pour les données logement, urbanisme, et géomatique.

Le succès du questionnaire et l’intérêt des étudiants pour la problématique a été une heureuse surprise de cette enquête. En effet à l’issue de celle-ci, 5744 réponses ont été enregistrées dont 4505 peuvent être considérées comme complètes et valides.

La population enquêtée correspond à l’ensemble des étudiants des implantations namuroises (c.-à-d. sises dans une des (anciennes) communes de la ville de Namur) des établissements du PAN. Cette population se monte à 15459 étudiants. 

Durant cette étude, la ville quant à elle s’est livrée à un travail de terrain en investiguant plus précisément 17 rues signalées par les comités de quartiers comme sensibles à cette problématique. Sur cet échantillon de rues, les données de permis de location, registre national, permis d’urbanisme, déclarations étudiantes ont pu être croisées apportant un éclaircissement sur des incohérences de différents fichiers repérées à l’échelle communale.

Enseignements et pistes concrètes d’actions

1. La partie Ouest de la corbeille, l’axe rue de Fer rue de l’Ange, Jambes et Bouge sont  assez délaissés par les étudiants et les divisions de logement y concernent un public différent. A distance égale, Salzinnes et Saint-Servais sont privilégiés. Le chemin de fer et la Meuse semblent des obstacles plus rédhibitoires que la Sambre qui dispose d’une passerelle. Les axes de mobilité comme les passerelles sont donc des équipements à défendre absolument.

2. Malgré les efforts de la Ville, les étudiants non koteurs privilégient largement la voiture (28%), ce qui ne va pas sans poser de problèmes. De même les 10 % de koteurs avec voiture sont des capteurs de parkings. L’immobilisation des véhicules en infraction répétée peut être une réponse mais elle n’est pas une solution constructive. Une réflexion sur l’extension de l’offre d’un abonnement étudiants des parkings P+R actuellement uniquement pratiquée sur Salzinnes (100 €/an) doit être menée. Le local vélo imposé dans le permis d’urbanisme est aussi un atout majeur pour privilégier le vélo, pour l’instant peu pratiqué (2 %), en espérant que les écoles puissent elles aussi les accueillir dans des locaux adaptés et sécurisés.

3. Certaines rues sont à présent très saturées en étudiants et les permis d’urbanisme octroyés doivent dorénavant y privilégier un autre public.

4. La tendance à la colocation est indéniable (14 % des koteurs) et pose le problème de la concurrence immobilière sur les logements spacieux comme de la division « invisible »  des logements. La Ville doit rester vigilante à exiger les baux conformes dans ces situations ou les assimiler à des logements collectifs avec les normes qui s’y appliquent. 

5. Pour rappel, les Art 9 et 10 du code wallon du logement disposent qu’avant toute mise en location d’un petit logement individuel, ou d’un logement collectif, le bailleur doit être titulaire d’un permis de location. Autant le savoir, en cas de non respect du permis de location  ou en cas d’absence de permis de location, le contrevenant risque des poursuites pénales ou des amendes administratives par le SPW.

La possibilité d’activer les sanctions administratives régionales a donc été mise en œuvre récemment avec de premiers succès. Prochainement un courrier émanant de l’administration communale sera envoyé aux propriétaires les invitant à régulariser leurs situations. Par ces permis, la Ville veut s’assurer que ces jeunes adultes à la recherche d’autonomie, aient un lieu de vie et d’étude sain, sécurisé et agréable. Ces permis obligatoires ont comme but premier d’assurer la conformité de la stabilité et l’étanchéité du bâtiment , des installations électriques et de gaz, du chauffage, de l’aération, des protections contre les risques de chute ( garde-corps, escaliers…) , de l’équipement sanitaire, de l’éclairage naturel mais aussi l’absence de matières toxiques (amiante, radon, CO, Plomb) et de surpeuplement. Ils peuvent ainsi rassurer les parents soucieux, à juste titre, du cadre de vie de leurs enfants. Nous les invitons à demander une copie du permis de location dès qu’ils signent un bail pour un logement de moins de 28 m² sur Namur. 

Le travail  consiste à tendre vers plus de transparences en matière de logements étudiants. L’idée d’un label émise par la F.E.F. et d’une base de données claires répertoriant les bons Kots en ordre au niveau des autorisations administratives sont aussi des dossiers à l’étude. Le souhait pour Namur Smart City est de mettre à disposition une application claire localisant les petits logements en ordre administrativement qui pourra rassurer les locataires.  

6. Une autre information utile ressort de cette étude : le loyer moyen demandé : 355 € en moyenne et 407 € pour un studio. Ce prix est le premier critère du choix des étudiants en recherche d’un kot. Il permet aussi de situer à l’avenir l’évolution de ce marché au vu des offres différenciées  apparues récemment à Namur.

7. Enfin la déclaration des étudiants d’avoir trouvé sans peine un kot, cumulée à l’inauguration de quelques projets importants ces derniers jours, confirme la tendance initiée dans le guide de division de logement de diminuer la création de logements de ce type au détriment des maisons unifamiliales.

8. Pour être en adéquation avec le Schéma de Structure, qui actuellement ne prévoit aucune orientation spécifique pour le logement étudiant à Namur, il sera essentiel, lors de son évaluation, de favoriser le logement étudiant à proximité de la gare des trains de Namur et des lignes de bus structurantes afin de localiser la demande en transport au plus près, c’est-à-dire à des distances piétonnes, de la structure éco mobile définie par la Ville. 

9. La quasi-totalité du logement étudiant (95%) se situe dans des classes d’urbanisation dédiées à une forte densité bâtie : le centre urbain et les parties centrales des quartiers urbains. La présence de logement étudiant dans ces classes d’urbanisation a un rôle essentiel à jouer pour garantir la mixité fonctionnelle, sociale et générationnelle souhaitée par la Ville de Namur. A l’avenir, l’Echevine Stéphanie Scailquin,  souhaite la création d’une charte du Vivre Ensemble reprenant cette mixité fonctionnelle, sociale et générationnelle dans un cadre où il fait bon vivre en partageant et en respectant les espaces communs, publics et privée. Salzinnes, hautement représentative du monde estudiantin, sera une phase test en concertation avec les habitants.

10. Cette question d’un logement pour tous et de qualité ne concerne pas que les étudiants. Nous travaillons actuellement à la possibilités d’inclure les petits logements  non loués à des fins de logement d’urgence d’insertion ou de transit et ainsi pallier à un certain manque de solution pour les cas d’urgences auquel nous devons répondre au quotidien. La faisabilité de pouvoir établir des conventions de mise à disposition précaire est en cours d’analyse avec les services communaux de la cohésion sociale, du logement et des finances.